Monday, August 3, 2009

Le régime règle ses comptes

  • Article du Journal Du Dimanche publié le 2 août sur les procès de manifestants en Iran :

Alors que Mahmoud Ahmadinejad doit être officiellement investi mercredi pour un second mandat à la tête de l’Iran, les autorités ont médiatisé ce week-end le procès d’une centaine de personnes accusées d’avoir participé aux manifestations du mois de juin. Le régime iranien entend ainsi régler ses comptes avec ses opposants et tourner la page des troubles qui ont suivi la réélection d’Ahmadinejad.

Une centaine d’accusés, un tribunal révolutionnaire: Téhéran a déployé les grands moyens ce week-end pour juger des Iraniens accusés d’avoir participé aux manifestations qui ont suivi la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad à la tête de la République islamique, le 12 juin dernier. Selon l’acte d’accusation rapporté par l’agence officielle Irna, les prévenus sont notamment accusés d’atteinte à la sûreté de l’Etat et de complot contre le régime en place. Ils encourent cinq ans de prison, voire la peine de mort s’ils se voient qualifiés de “mohareb” (”ennemis de Dieu”).

Depuis samedi, le procès est très médiatisé par le biais des agences de presse officielles et autres chaînes de télévision publiques. L’opposition y voit une manoeuvre du pouvoir. Sur son site internet, l’ancien président réformateur Mohammad Khatami, dont plusieurs proches se trouvent sur le banc des accusés, a ainsi évoqué “une mise en scène”. “Ce qu’on présente comme un procès n’est qu’une violation de la Constitution”, écrit-il. De son côté, Mir Hossein Moussavi, le candidat malheureux à la présidentielle qui avait pris la tête de la contestation dans les jours qui ont suivi la réélection d’Ahmadinejad, a estimé que les aveux formulés par certains prévenus relevaient de la “torture moyenâgeuse”, dénonçant un procès “truqué”. Des propos vivement condamnés par le tribunal révolutionnaire qui a lancé dimanche une mise en garde à ceux qui “troublent l’opinion publique avec des commentaires sur des questions légales, affirmant par exemple que les aveux des accusés sont illégaux et ne peuvent incriminer”.

Des accusés plaident coupables

Car samedi, toutes les agences de presse officielles du pays n’ont pas manqué de rapporter les “aveux” de plusieurs prévenus. Amaigris et fatigués après de longues semaines de prisons, certains détenus ont en effet déclaré, toujours selon la presse officielle, que l’élection avait été libre et équitable, plaidant au passage coupable des faits qui leur sont reprochés. La télévision nationale a même diffusé des images de Mohammed Abtahi, vice-président de la République islamique sous Khatami (1997-2005) évoquant un scrutin valide et présentant ses excuses pour ses “erreurs de jugement”. Selon l’agence Irna, le dirigeant réformateur aurait ensuite ajouté que Mir Hossein Moussavi, Ali Rafsandjani – ancien président iranien et aujourd’hui à la tête de l’Assemblée des experts, seule capable en théorie de destituer le Guide suprême – et l’ancien président Khatami auraient fait le serment de se soutenir mutuellement avant le scrutin présidentiel. Par ailleurs, selon l’agence officielle Fars, Maziar Bahari, journaliste iranien qui a couvert l’élection pour l’hebdomadaire britannique Newsweek, aurait reconnu avoir reçu des fonds de la chaîne britannique Channel Four pour transmettre des images des émeutes. Des propos qui servent la thèse du régime selon laquelle des pays étrangers, Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête, sont impliqués dans les manifestations qui ont suivi la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. En diffusant ces informations, le régime iranien espère ainsi délégitimer ses opposants aux yeux des Iraniens.

A la veille de l’investiture de Mahmoud Ahmadinejad – par le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei lundi et par le Parlement mercredi – le régime iranien donne l’impression de vouloir régler ses comptes. Et tourner la page des dernières semaines. Mais ces “aveux” – invérifiables et obtenus dans des conditions inconnues – seront-ils suffisants? Rien n’est moins sûr. Outre la volonté de l’opposition de poursuivre sa lutte, le président iranien doit gérer les tensions au sein de l’élite politico-religieuse du régime islamique. Après avoir essuyé le veto du Guide suprême pour nommer Esfendiar Rahim-Mashaie au poste de vice-président, Mahmoud Ahmadinejad a décidé d’en faire son directeur de cabinet. Le président a par ailleurs limogé son ministre des Renseignements qui s’était montré critique à son égard ; quant à son ministre de la Culture et son conseiller pour la communication, ils ont tous deux annoncé leurs démissions.

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